02 mai 2013

L'Indice de la peur, un thriller “informatique”

Le romancier anglais Robert Harris a déjà publié plusieurs thrillers. Parmi eux, L'Homme de l'ombre (2007), a été adapté au cinéma par Roman Polanski sous le titre The Ghost Writer, une réussite à notre avis. Il y était question de livre, puisqu'un écrivain “fantôme” (ou un “nègre” dans notre vocabulaire) découvrait de terribles secrets en avançant dans sa tâche ingrate – et dangereuse.
Son dernier roman, L'Indice de la peur, vient de paraître en poche (Pocket n°15400). Ce suspense ne risque pas de vous tomber des mains ! On se rend vite compte qu'il a été calibré en vue d'une adaptation cinématographique…

Nous sommes à Genève, dans la luxueuse villa du docteur Hoffmann. Il est un peu plus de 3 heures du matin, le silence règne… enfin, presque. Le scientifique est réveillé par de légers bruits, suivis de l'allumage des projecteurs de sécurité. Il va vite se rendre compte que quelqu'un s'est introduit dans sa maison, pourtant protégée comme un bunker par toutes sortes de codes et d'alarmes ultramodernes. Sa tentative pour débusquer l'intrus se solde par un violent coup sur la tête, dont il se réveille quelques heures plus tard, sa femme – et la police – à son chevet.

C'est le début d'une terrible journée. Car Alex Hoffmann, ancien du CERN, est désormais associé à un Américain pour qui il a développé un étonnant logiciel construit sur un algorithme d'apprentissage automatique, capable d'opérer avec une redoutable efficacité sur les marchés boursiers. Grâce à ce programme sophistiqué, le fonds spéculatif qu'ils ont créé ne cesse d'accumuler des bénéfices records. Saut que, ce matin-là, le redoutable logiciel commence à prendre des positions extrêmement risquées sur les grandes places boursières, de surcroît toutes à la baisse.

Et voilà Hoffmann sortant de l'hôpital avec des points de suture sur le crâne, constatant avec effroi que plusieurs opérations ont été décidées en son nom sans qu'il en ait le moindre souvenir : virements aux Îles Caïmans, commande d'un livre rare aux Pays-Bas, installations informatiques confidentielles… Devient-il fou, comme semble le diagnostiquer l'IRM qu'il a dû passer à l'hôpital ?

Heure après heure, les ennuis s'accumulent, les étranges coïncidences se multiplient. Le vernissage de l'exposition de sa femme, en fin de matinée, est gâché par un brusque et surprenant achat groupé de toutes les œuvres exposées, qui émane, comme par hasard… de lui-même !
Et le superbe logiciel, prodige d'intelligence artificielle, prend de plus en plus d'initiatives audacieuses. Son auteur est-il sûr de le maîtriser ? Coincé entre l'inspecteur de police genevois, son associé qui doit recevoir de très gros clients, et ses souvenirs récents de dépression nerveuse, Hoffmann va vivre une journée pour le moins éreintante.

Le scénario du roman nous a beaucoup plu. Il exploite avec efficacité la “folie” du Trading à Haute Fréquence, ces systèmes informatiques capables de passer plusieurs millions d'ordres boursiers par seconde, et de déclencher à eux seuls les pires krachs.
Qui l'emportera, l'homme ou l'ordinateur ? Il vous faudra lire les 377 pages du livre pour le savoir.

Les coquilles du jour
Dans la rubrique “les coquilles de compétition”, nous ne résistons pas au plaisir de vous en citer deux, la première remarquée page 90 de l'édition de poche.
Selon les éditeurs, les majuscules sont accentuées ou pas. En outre, même lorsqu'elles le sont, certains choisissent de ne pas accentuer le “A accent grave” en début de phrase. Il est vrai que les risques de confusion sont faibles. Dans ce livre – tout comme aux éditions AO d'ailleurs – la “marche typographique” choisie a décidé d'accentuer ces À spéciaux.
Dans la pratique, la quasi-totalité des A majuscules situés en début de phrase ne peuvent qu'être des À accent grave. À moins qu'il ne s'agisse d'un “parler bébé” par exemple : “A mangé sa soupe, le bébé ?”, ou encore de l'expression “a priori” (et assimilées), qui s'écrit alors “A priori” en début de phrase.

Eh bien, à la page 90 de ce roman, une autre exception a piégé les relecteurs. La phrase, un dialogue, consiste à épeler l'adresse de courriel du personnage principal :
a.hoffmann@hoffmaninvestmenttechnologies.com
Le personnage dit par conséquent, dans un dialogue :
– A point Hoffmann arobase Hoffman Investment Technologies point com.
La coquille est que le “A point” a été typographié “À point”, comme s'il s'était agi d'un rôti “à point”, et non de la lettre A suivie du mot “point”.
Coquille bien excusable d'ailleurs, car spécialement retorse, notamment aux correcteurs orthographiques. On peut d'ailleurs se demander si le logiciel du docteur Hoffmann, avec ses fonctions d'auto-apprentissage, aurait été capable de la débusquer !

Une autre coquille, page 145, ne manque pas d'humour. Un personnage dit ceci :
– Compte là-dessus ! Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement.
Est-ce parce qu'il “compte” que le personnage remplace son point d'exclamation par le chiffre 1 ? On peut se le demander, puisqu'on lit :
– Compte là-dessus 1 Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement.
Pas de doute : c'est bien la trace d'un bug informatique, confondant ponctuation et langage binaire. Le terrible logiciel aurait-il pris le contrôle du livre lui-même ? (NB : nous l'avons lu sur papier, précision importante).