09 juin 2016

Belletto : le roman revenant

Avant de devenir éditeur, il m'arrivait rarement de relire un livre (au sens “le lire de nouveau”). Toute règle a ses exceptions. Parmi celles-ci, les romans de René Belletto. D'ailleurs, je viens de recommencer ces jours-ci la lecture du Revenant, dans sa version révisée de 2006 (éditions P.O.L), la version originale datant de 1981 – il s'agissait du tout premier “polar” de l'auteur. Je l'avais découvert pour ma part après avoir vu le film de Michel Deville, Péril en la demeure, tiré d'un autre roman de Belletto, Sur la Terre comme au Ciel. Nous étions en 1988, je crois.

Dans ce Revenant – qui revient donc à intervalles réguliers dans ma liste de lectures – figure tout ce que j'aime : émotion, authenticité, humour. Trois maîtres mots, que j'essaye de respecter dans la ligne éditoriale des éditions AO. Et il y a la toile de fond lyonnaise, voire villeurbannaise, dont l'auteur est issu. À chaque relecture, je découvre de nouvelles références, ayant entretemps pris connaissance de leur existence dans le “monde réel”.

Parmi celles-ci, je tenais à citer ici l'allusion à la librairie Fantasio, avenue Henri-Barbusse à Villeurbanne, fidèle partenaire dans la promotion des livres que les éditions AO ont publiés. Je savais que René Belletto l'avait évoquée dans un de ses livres, ignorant lequel et où. J'ai la réponse : dans mon roman préféré, Le Revenant (page 102 de l'édition de 2006) :
« Éric voulut faire quelques pas avenue Henri-Barbusse, la grande rue des Gratte-Ciel, dont chaque centimètre carré m'était familier. J'entrai à la Maison de la Presse et achetai machinalement Guitare et Musique. M. Hizer vaquait toujours dans la salle du fond, rangeant les livres de poche, toujours squelettique et flottant dans sa blouse grise et, comme Miguel, toujours enrhumé, mais lui pour de vrai*. »
Depuis ce “monsieur Hizer”, deux générations de libraires se sont succédé avenue Henri-Barbusse, une rapide recherche sur ce blog vous fournissant de plus amples informations. Il me reste à mener une enquête complémentaire pour établir si “Hizer” est un nom réel ou pas…

Addendum du 18 juin 2016
 Ce “revenant” me hanterait-il ? Dois-je voir un signe du dieu des livres (“délivrez-moi des livres”) lorsque j'inventoriai, cet après-midi, le rayon littérature de l'Emmaüs de Villeurbanne, ville où vécut Belletto ? À la lettre B, un dos de livre large, portant en grosses lettres “Le Revenant - Belletto”, éditions Hachette. Je le sortis de son logement, curieux de voir de quoi il s'agissait. La couverture, un dessin d'Enki Bilal m'étais connue, pour avoir été réutilisée en édition de poche. Était-ce une adaptation en BD ? Pas du tout, mon gars, tu n'y étais pas. Rien que l'édition originale du roman, imprimée en 1981, année de sortie du livre. Le cœur battant, il ne me restait plus qu'à passer à la caisse, tenant précieusement le volume en mains, au cas où il lui prendrait l'envie de s'envoler, comme un pigeon facétieux.

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* (Note de bas de page web) Le personnage de Miguel, le garagiste, ne cesse en effet d'éternuer “ni atchoum ! ou atchi ! mais un formidable arrrrr… rachon ! émis avec tant d'autorité hargneuse que ceux qui n'avaient pas l'habitude se mettaient aussitôt à fureter à droite et à gauche, mains tendues, cherchant quoi arracher.” (page 49).

07 juin 2016

Face à face

C'est un courriel de la Librairie des Alpes (6, rue de Seine à Paris), qui nous a appris l'existence d'un livre de photographies signé de Maurice Schobinger et Pierre Abramowski, intitulé Face à face.
Les auteurs nous présentent les grandes parois des Alpes au travers d'un prisme quasi architectural, comme si les montagnes étaient des édifices, des constructions. C'est l'une des émotions esthétiques que nous ressentons en les admirant. Ces "faces" ont été construites par les hasards de la nature… elles n'en paraissent pas moins étonnantes d'équilibre et d'élégance.


L'éclairage choisi par le photographe surprend : lumière voilée, presque en noir et blanc, au point de faire ressembler les clichés à des gravures. Une façon inédite de mettre en valeur les “faces”, en se concentrant sur leur structure. Audacieux et réussi !

Nous avons aussi apprécié ce clin d'œil à la Tour Eiffel. De quoi s'agit-il ?
Le photographe a rapproché la hauteur de la Tour, édifice humain, 300 mètres, de celles des parois photographiées, qui en mesurent jusqu'au quadruple. On songe à la face nord des Grandes Jorasses ou à celle de l'aiguille du Midi. Plus modestement, celle de la Tour Ronde (la montagne, pas le bâtiment) mesure seulement une “longueur” de plus que celle d'Eiffel (350 mètres). C'est déjà beaucoup !


Cet étalon de mesure très parisien nous a rappelé l'enfance, quand un père expliquait à son fils que “quatre Tour Eiffel tiendraient l'une au-dessus de l'autre devant l'aiguille du Midi”. Pour avoir gravi (par l'escalier jusqu'au deuxième étage, puis en ascenseur) ladite Tour, l'enfant prenait tout de suite la mesure de ces magnifiques montagnes… en attendant d'aller les gravir un jour (pas toujours en téléphérique, confer la voie Mallory par exemple !)

Toutes nos félicitations aux auteurs de ce “Face à face” !

03 juin 2016

La Loi du plus faible, de John Grisham

La Loi du plus faible, de John Grisham, date de 1998 (The Street Lawyer). Le roman a donc plus de vingt ans ; il n'en reste pas moins d'actualité. Une fois de plus, le célèbre romancier nous plonge dans le monde des avocats américains. La profession, de ce côté de l'Atlantique, diffère largement de la conception que nous pouvons en avoir en France. Extrêmement nombreux, les avocats des États-Unis sont pour la plupart des hommes d'affaires, quitte à ne jamais plaider. Les quelque 800 “lawyers” du cabinet Drake & Sweeney travaillent 80 heures par semaine, espérant un jour devenir “associés” et gagner plus d'un million de dollars par an.

La Loi du plus faible débute par une scène spectaculaire de prise d'otages. Un SDF noir parvient à enfermer une douzaine d'avocats du cabinet dans une salle de réunion, et à leur faire prendre conscience de ce qu'il a subi, jeté à la rue suite à une expulsion musclée organisée frauduleusement par l'un des avocats de Drake & Sweeney. Parmi les otages, Michael Brock ignore tout de ces malversations. Échappant de peu au tir d'un sniper de la police qui abat le preneur d'otages, il va soudain prendre conscience de l'absence de sens de sa carrière… et devenir un “avocat des pauvres”.

Grisham nous emmène alors dans un suspense bien mené, Me Brock tentant de rendre justice aux déshérités expulsés illégalement, engageant un bras de fer risqué avec son ancien employeur, tout en intervenant pour restaurer les droits de ceux qu'il a désormais vocation à aider. C'est documenté, précis, conduit avec un sens du scénario devenu la marque de fabrique de l'auteur. Au passage, nous apprenons moult choses sur la société américaine, y compris… les prix, salaires, tarifs, tant les Américains s'attachent toujours à chiffrer ce qu'ils évoquent. Exemple : un avocat comme Michael Brock facture son temps 300 dollars de l'heure (il y a près de vingt ans !), y compris pour un déjeuner avec un collègue pour discuter du dossier d'un client (deux intervenants plus… le prix du repas).

Le coin du réviseur de texte
Comme souvent, nous ajoutons nos notes de “lecteur-relecteur”. La perfection n'est pas de ce monde, la formule est connue. Découvrir de rarissimes “coquilles” dans ce livre nous rassure, en quelque sorte, sur notre imperfection, et nous fournit quelques pistes de vigilances futures.
Les numéros de pages se réfèrent à l'édition 2001 (réimpression 2014) en collection Pocket, numéro 11157.
Se méfier des noms propres
On croit toujours que les noms propres – personnages, lieux – n'ont pas besoin d'être vérifiés. Erreur ! Au contraire, nous sommes tellement habitués à les lire qu'on peut oublier des lettres parasites. Page 55, la ville de Washington est orthographiée “Washinghton”. Pas si facile à repérer…
Apostrophes et guillemets
Page 115, une double apostrophe s'est intercalée dans “j''ai rouvert la mystérieuse chemise”. Encore plus ardu à repérer. Ce genre d'incident est plus courant qu'on ne pense…
Qui était Madeleine ?
Page 230, il ne s'agit pas d'une coquille, mais au contraire d'un truc à retenir. Vous connaissez peut-être l'expression “pleurer comme une madeleine”. Attention ! Il ne s'agit pas d'une madeleine de Proust (le gâteau, qui ne pleure pas), mais bien d'une femme, Madeleine, avec une majuscule, en référence à Marie-Madeleine pleurant au pied du Christ en croix.
Les cabinets d'affaires ont des ailes
Page 334, une erreur étonnante : “dans le monde implacable des gros cabinets d'allaires”. Nul doute qu'un correcteur orthographique l'aurait identifiée. Une allusion prémonitoire et cachée au personnage de Connelly, l'avocat Michael Haller ?

02 juin 2016

Grand Prix Anguille sous Roche : les nommés

Le quotidien Le Dauphiné s'est fait l'écho de la pré-sélection du Grand prix 2016 “Anguille sous Roche” qui sera décerné au salon du polar de Saillans (Drôme) programmé pour les 7, 8 et 9 octobre prochains.


Parmi les dix titres sélectionnés nous avons eu le plaisir de remarquer :
  • Crimes à la Croix-Rousse, de Jacques Morize (éditions AO 2015)
  • T'es pas Dieu petit bonhomme (éditions du Caïman), de Philippe Setbon (également auteur de l'un des textes du recueil “Dora-Suarez-Leblog présente” numéro 1)

Croisons les doigts !