08 mai 2016

Le Mystère Henri Pick, de David Foenkinos

De David Foenkinos, nous avions lu Lennon, une fiction étonnante de vraisemblance et d'intelligence, surtout pour ceux qui sont familiers avec l'univers des Beatles.
Le Mystère Henri Pick nous a attiré par son intrigue qui se déroule dans le milieu de l'édition. Allions-nous y apprendre les secrets du succès ? Presque…

Tout commence dans une bibliothèque dont le responsable crée un rayon de “livres refusés” par les éditeurs. Foenkinos a repris l'idée de Richard Brautigan, auquel il rend hommage en introduction.
Une éditrice spécialisée dans les best-sellers y découvre la perle rare : un chef d'œuvre, signé Henri Pick, pizzaiolo de son état, avant qu'il ne décède quelques années auparavant. Nous suivons alors l'épopée de ce qui devient un livre à succès, influant de façon décisive sur les destins de tous les protagonistes de l'histoire. Jusqu'à la chute finale…

Le suspense est bien mené. La galerie de personnage se succède, chacun à son tour, dans de brefs chapitres. L'humour règne dans ce qui se révèle une satire assez savoureuse du monde du livre et de l'édition.
Il faudra attendre le double coup de théâtre de la fin du roman pour que le mystère s'éclaircisse. Bien joué ! se dit-on en refermant le livre, avec cependant un petit regret : c'est tout de même un peu “téléphoné”, selon l'expression consacrée.

La note de l'éditeur
Une chose est sûre : les manuscrits “refusés” cachent sûrement des chefs d'œuvres. Aux éditions AO, nous en recevons pas loin d'une cinquantaine par an, de qualité variable. Ce qui manquera toujours à un manuscrit non relu, ce sont les ajustements, révisions et réglages que l'éditeur se doit de conseiller à l'auteur. D'ailleurs, la “bibliothèque des manuscrits refusés” existe désormais sur le Web, par exemple chez ces pseudo-éditeurs qui publient tout ce qu'on leur propose en e-book ou en impression à la demande. Ce parti de “non-sélection” ne milite pas en faveur de la qualité ! Amazon en a même fait un slogan, en substance : “Publiez tous vos manuscrits chez nous, le public fera le tri”. C'est, à notre avis, une mauvaise solution. Certes, des textes sont ainsi remarqués par de vrais éditeurs, qui les publient ensuite en version revue et corrigée (on songe à la saga “Silo” de Hugh Howey), mais la plupart se “brûlent” en étant publiés prématurément, comme s'il s'agissait de simples brouillons. C'est dommage ! On retrouve là le problème de l'édition à compte d'auteur sous une variante guère plus honnête.

La note du relecteur
La marque de fabrique typographique de Foenkinos, ce sont les “tirets-points de suspension”, placés dans les dialogues lorsque l'un des personnages… ne dit rien. Il en use et en abuse. Probablement une centaine dans ce roman ! Si l'astuce est adaptée dans certains contextes – un personnage reste muet de surprise avant que l'autre ne reprenne la parole – il est superflu dans d'autres, en particulier quand il ne s'agit que de la fin de la conversation.
Exemple (fictif) :
Isabelle lui demanda :
« Jean, tu es d'accord, c'est un chef-d'œuvre ?
– …
– Allons, dis quelque chose, bon sang !
– …
– Décidément, tu n'as rien à dire.
– … »
On pourrait ajouter une second — … pour exprimer la lassitude d'Isabelle, et un troisième pour confirmer que Jean ne réagit toujours pas. Infini ! Le procédé économise de la place, évitant à l'auteur de décrire l'absence de réaction, dans le registre : “Jean ne répondit rien” ou “Isabelle ne sut que répondre”. Son abus finit par lasser… Ce n'est qu'un défaut mineur, cependant, n'exagérons rien !