Il est vrai que je suis un fan de Benoît Duteurtre. Aussi me suis-je précipité sur son dernier roman, L'Ordinateur du paradis, et n'ai-je pas regretté mon geste.
L'œuvre de Benoît Duteurtre est très riche. Il aborde de nombreux genres, y compris des essais – je m'étais délecté de ses Polémiques (2013). Deux genres principaux dominent toutefois : la verve humoristique (*) et la veine autobiographique (**). L'Ordinateur du paradis appartient au premier, à l'évidence ! Une fois encore, l'auteur traque les travers de notre époque, avec un humour cruel et féroce. Au point d'imaginer son personnage frapper à la porte du paradis…
Mais quelle faute a commise Simon Laroche, haut fonctionnaire à la Commission des Libertés Publiques ? Il a tout bonnement prononcé une phrase instinctivement, en off, juste avant une émission de radio. Et il a été enregistré à son insu. Se répandant via Internet, elle va ruiner sa réputation malgré toutes ses dénégations.
Duteurtre tombe à pic pour dénoncer un problème nouveau et redoutable. Aujourd'hui, il n'est plus possible de “parler franc”, même dans une conversation privée. La tyrannie de la transparence, une transparence biaisée et dévoyée, menace à tout instant les personnalités publiques. On ne peut s'empêcher de songer au désormais fameux “sans-dents” envoyé dans les gencives de notre président de la République par son ancienne compagne vengeresse.
L'espionnage permanent rendu possible par les nouvelles technologies a quelque chose de cauchemardesque : qu'arrivera-t-il si, à tout instant, une conversation privée, entre personnes capables de relativiser leurs propos, peut devenir publique, tronquée, sortie de son contexte, et envoyer son auteur dans l'enfer médiatique ? Et comme les “écrits restent”, toutes ces “paroles écrites” que sont les SMS ou les courriers électroniques peuvent à tout instant ressurgir… comme dans le roman.
Alors, Simon Laroche ira-t-il au paradis en dépit de son “péché mortel” ? Vous le saurez en toute fin du roman, dans une pirouette finale finement imaginée…
Petit post-scriptum en forme de jeu de mots. Un pur hasard a fait que ce livre, L'Ordinateur du paradis, a un titre très proche de la dernière publication des éditions AO, L'Or du paradis. Ce genre de coïncidences m'amusent toujours !
Jean-Luc Tafforeau, éditions AO
(*) Il faut absolument lire La Petite Fille et la Cigarette ou Le Retour du Général, parmi ses meilleurs opus humoristiques (souvent grinçants, il a bien raison !). Et, pour ma part, j'ai une affection toute particulière pour Chemins de
fer, certes dans le registre parodique, mais dans une ambiance intimiste
plus douce.
(**) Les Pieds dans l'eau ou L'Été 76 sont remarquables de subtilité et de sensibilité.