28 novembre 2012

Partition d'escalade

Nous avions évoqué dans ces colonnes la publication de nouveaux topos d'escalade. Parmi ceux-ci, l'ouvrage de Lamberto Camurri et Giovanni Bassanini, Mont Blanc Supercracks, sous-titré “les fissures les plus spectaculaires du Mont-Blanc”.

Quoique abondamment illustré, ce livre ressemble par bien des aspects à la “partition” d'une musique qui serait l'escalade. Les tracés d'itinéraires indiquent en effet la difficulté, la nature des passages à gravir, ainsi que le matériel d'assurage en place ou à placer. Parmi les voies récentes de très haute difficulté figure Ave Caesar au petit clocher du Portalet. Sur 250 m, cette voie, ouverte en 2000 par Berthod et Mikolajak, comporte trois longueurs de niveau 7b+/7c, et deux en 6b et 6c. Le niveau 7 s'approche du summum de ce qui se gravit en montagne, les passages cotés 8 restant rarissimes.

Un tout autre “livre” qui va paraître nous a fait penser à ces topos. Le chanteur et compositeur anglais Beck vient de décider de sortir son dernier opus non sous la forme d'un enregistrement sonore mais… d'un album de partitions ! Une initiative audacieuse et amusante.


Ceci nous ramène aux partitions d'escalade.

De même qu'entendre un grand interprète exécuter une partition est un plaisir pour l'amateur, voir de jeunes grimpeurs escalader la voie Ave Caesar est un privilège inouï. Sur TV Moutain, comme si nous étions dans la face nord du petit clocher du Portalet, nous pouvons suivre Martina Cufa Portard et Nicolas Potard dans chaque longueur de cet itinéraire extrême. C'est très bien filmé, on s'y croirait ! Un petit “vol” de l'un des grimpeurs donne de surcroît une soudaine conscience de l'inclinaison du rocher, parfois difficile à rendre en vidéo (tout comme en photo d'ailleurs). Une dizaine de minutes dont on sort épuisés, les doigts endoloris par les coincements dans les fissures !


Lien vers cette vidéo : http://www.tvmountain.com/video/alpinisme/9225-1-petit-clocher-du-portalet-ave-caesar-mont-blanc-massif.html

22 novembre 2012

La vérité sur la Vérité sur l'affaire Harry Quebert

La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, ce roman de Joël Dicker qui vient d'obtenir le Grand Prix du roman de l'Académie française et le Goncourt des lycéens, figure parmi les grands succès de cette fin d'année.

Je dois avouer que l'obtention de prix par un livre m'incite plutôt à la prudence. Non que je conteste leur valeur, plutôt que je constate souvent qu'ils sont difficiles à lire, d'une ambition volontiers élitiste, ou bien provocateurs. J'ai donc demandé à mon libraire si le roman du jeune Genevois se lisait facilement, s'il soutenait l'attention. Il m'a assuré que oui. Je n'avais pas compris de quoi il s'agissait ! La Vérité sur l'affaire Harry Quebert n'est en effet rien d'autre qu'un suspense conçu pour soutenir l'intérêt du lecteur, page après page. Et c'est déjà beaucoup !

Joël Dicker imite à la perfection le thriller américain (ci-contre une des photos de son site officiel, prise par Jeremy Spierer). À mes yeux, c'est certes une qualité pour leur sens du scénario, mais aussi un défaut quant au style, d'une platitude revendiquée : efficacité avant tout. Dans ce roman, cependant, l'auteur fait mieux que les Anglo-Saxons. Suffisamment de descriptions pour que l'on sache dans quel décor, quelle ambiance, quelle société l'intrigue se déploie. Suffisamment de notations sur les personnages pour que l'on sache bien à qui l'on a affaire. Contrairement à nombre de thrillers américains, je n'ai jamais douté de “qui était qui”, même les noms sont clairs, on ne s'y perd pas… et pourtant ! L'intrigue est complexe, subtile, le dénouement magistralement imaginé. Encore une fois, à la différence de beaucoup de ces suspenses américains, chaque élément “imprime” notre mémoire au cours de la lecture pour qu'on soit en mesure d'apprécier les rebondissements, et même qu'on ait le temps de se poser moult questions – que l'auteur suscite avec adresse dans nos esprits, avant d'y répondre pile au bon moment.

Mine de rien, le roman brosse au passage le portrait d'une Amérique à la fois pudibonde et violente, dans laquelle on condamne avant de juger, on s'arrange avec la vérité pour protéger son petit pré carré, sans scrupules et avec la bénédiction d'une religion dévoyée. On retrouve là la démarche d'un Douglas Kennedy (avant qu'il ne se banalise sous la pression de la notoriété). Les rapports délicats entre le succès et le talent, entre l'argent et l'authenticité sont également abordés avec une lucidité parfois cruelle. Le personnage de l'éditeur, agressivement obsédé par la rentabilité et les manipulations médiatiques, donne lieu à de véritables morceaux d'anthologie !

Il en résulte un plaisir de lecture exceptionnel. J'ai lu ce long livre de presque 700 pages, qui plus est d'un format assez généreux, en une semaine. La succession adroite des chapitres ménage autant de prétextes à des pauses, pour ne pas gâcher son plaisir et garder d'autres heures de lectures pour les jours à venir.

Joël Dicker n'a pas hésité à prendre des risques. Outre de prendre son temps, ce qui, de nos jours, est plutôt considéré comme un grave défaut, il introduit une “mise en abyme” qui aurait pu sentir le procédé à plein nez. Il n'en est rien. Le personnage principal, Marcus Goldman, vient de publier un best-seller et ne parvient pas à entreprendre l'écriture de son deuxième livre, que son éditeur lui réclame en le menaçant des foudres de la justice. Aussi rend-il visite à son mentor, un professeur de littérature à la retraite auprès duquel il a tout appris, Harry Quebert. Et voici que cet homme est soudain accusé d'un crime commis trente-trois années auparavant. Le jeune Marcus va tout faire pour élucider l'énigme et innocenter son ami. Et il va avoir du travail ! Très vite, il comprend que cette enquête est un sujet en or pour son nouveau livre, et il va donc l'entreprendre tandis qu'il mène ses investigations, aidé par un policier grognon et sympathique. Ce “livre dans le livre” aurait pu sembler lassant, encore une fois, il n'en est rien. Surtout que le fantôme d'un autre livre rôde dans tout le récit : Harry Quebert doit en effet sa notoriété à un roman qui l'a rendu célèbre à l'époque des faits, en 1975. On l'aura compris : les livres sont aussi des personnages de ce livre !

La vérité sur cette Vérité de l'affaire Harry Quebert, c'est qu'il s'agit d'un roman épatant, stimulant, extrêmement bien construit, à l'intrigue gigogne mais jamais alambiquée. Tout est limpide, logique, et l'auteur nous promène avec talent d'une hypothèse à l'autre. On marche, mieux, on court de page en page. Bravo !

JLT - éditions AO

08 novembre 2012

Demain le ciel sera orange, édition d'artiste

Demain le ciel sera orange, conte futuriste signé de Sébastien Haton et publié par les éditions AO il y a tout juste un an, fait l'objet d'une édition très spéciale, une “édition d'artiste”.

Véronique LaFont, peintre et sculptrice textile, a travaillé à partir d'un jeu original des pages intérieures du livre, qu'elle a reliées façon japonaise, enveloppées d'une couverture molletonnée en lin ancien, et emballées dans un étui de tissu. Chacun des quatre exemplaires réalisés est en outre agrémenté d'une peinture originale placée en toute première page.

Les éditions AO sont très heureuses de vous présenter cette alliance du livre, du texte, de l'artisanat et de l'art, et félicitent Véronique et Sébastien pour leur créativité. Cet objet est un vrai bonheur, et matérialise la formule préférée que Sébastien emploie volontiers sur son blog pour signer ses billets : “Soyez heureux !”

Pour mieux apprécier ce superbe travail, ces quelques photos.

 Préparation des couvertures et des peintures inédites.

L'étui en tissu d'ameublement vintage, fermé par un ruban de satin.

On découvre le livre en dénouant le ruban.

L'objet dans toute son élégance.

Avec une reliure japonaise, qui a nécessité une grande adresse : 380 pages tout de même !

En toute première page, la peinture inédite.

Page de titre spéciale.

Chaque exemplaire est numéroté et signé.

La “troisième de couverture”, à droite.

Exemple de peinture inédite.

Chaque exemplaire est en vente au prix de 100 euros. Un bon de commande figure sur le site des éditions AO à la page consacrée à cette édition spéciale.

02 novembre 2012

Retour de la TVA à 5,5% sur le livre

C'est donc confirmé : à partir du 1er janvier 2013, la TVA sur le livre reviendra au taux de 5,5%, comme avant le 1er avril 2012.

La question qui vient immédiatement à l'esprit est la suivante : les prix TTC vont-ils diminuer à due proportion, tout comme la plupart d'entre eux avaient été augmentés au printemps dernier ?
Aux éditions AO, nous avions renoncé à augmenter nos prix de vente TTC, prenant la différence à notre charge. Aussi ne baisserons-nous pas nos prix début 2013.

Une autre question se pose désormais. Pour 2012, la loi de finances avait accordé au livre numérique le passage au taux réduit, soit 5,5%, puis 7%. Or, la Commission européenne estime qu'il s'agit d'une distorsion de concurrence, et épingle à ce propos la France et le Luxembourg. Le débat n'est guère évident à trancher ! Rappelons au passage que les livres contenant un support numérique complémentaire (comme un CD ou un DVD) doivent facturer une TVA à taux normal sur la part afférente à ce support, mais que les “livres audio” bénéficient, eux, du taux réduit depuis 2009.

Les institutions européennes font de la concurrence leur cheval de bataille, on le sait ! Leur analyse reste cependant partielle, puisque le “dumping fiscal” de pays comme l'Irlande ou le Luxembourg – sur d'autres impôts que la TVA – n'est lui jamais pris en compte. Quant aux taux de TVA, ils ne sont pas les mêmes dans tous les pays européens, indépendamment des questions de catégories de taux (réduit, intermédiaire et normal).

Pas simple, tout cela !

Addendum du 9 novembre
Et ce n'est pas fini : les récentes décisions du gouvernement prévoient d'importantes modifications des taux de TVA. Le livre l'a échappé belle, semble-t-il : étant rangé dans la catégorie du taux réduit (5,5%), il devrait bénéficier de la réduction de ce taux au 1er janvier 2014, à 5%. Le taux intermédiaire, lui, passerait de 7 à 10%, tandis que le taux normal serait “arrondi” à 20%.

Petite plaisanterie au passage : nous traînions depuis l'époque de Raymond Barre cette décimale “virgule 6” dont je m'étais toujours demandé la raison (aucun pays européen, à ma connaissance, n'avait de taux ainsi “brisé”). En 2014, par conséquent, les calculs vont être considérablement simplifiés, avec une cascade de taux “ronds” : 5, 10 et 20%. Quelle économie en temps de calcul-machine, n'est-ce pas ?