27 mars 2016

Hommage aux auteurs de “romans de gare”

Dans le film de Philippe de Broca, Le Magnifique (1973), Jean-Paul Belmondo incarnait un auteur de romans de gare, écrivain fauché, seul dans son appartement au décor fruste…


Tout y est, si on observe attentivement les objets rassemblés par le décorateur…


(1) La machine à écrire, parfois capricieuse (2) Une mappemonde, histoire de ne pas commettre trop d'erreurs quant aux tribulations de l'espion globe-trotter (3) Un dictionnaire, pour l'orthographe (4) De la documentation, moins bien rangée que Wikipédia (5) Le téléphone, qui ne sonne que quand l'éditeur exige le dernier tome de la série pour le lendemain (6) La collection complète des œuvres de François Merlin


Machine à écrire, oui, moins commode que le traitement de texte, surtout quand les carbones refusent de coulisser dans le chariot…


Et tout ça pour quoi ? Pour qu'une lectrice s'émerveille des aventures de Bob Saint-Clar, meilleur agent secret du monde ! Remarquez les vrais-faux volumes créés pour le film, avec la biographie de l'auteur en quatrième de couverture, où l'on apprend que François Merlin est né en 1933 (tout comme Belmondo, quarante ans lors du tournage du film), et a débuté comme chroniqueur hippique. Un collector que l'on aimerait posséder dans notre bibliothèque ! Notez également la dénomination de la collection, “Super Crime Club”, et le titre du roman…


Cette ambiance désuète et tristounette, destinée à contraster avec les flamboyantes scènes d'action dudit Bob Saint-Clar, nous émeut toujours autant à chaque nouveau visionnage du film. On a les héros qu'on peut ! Est-ce pour cela que nous avons préféré devenir éditeur – un tantinet moins abject que celui du film, espérons-le ?!

À lire à propos du film : cet article du blog “Diaries of a movie geek”.

26 mars 2016

Conseils pour vos tapuscrits - épisode 1 : les styles

Vous vous lancez dans la composition du texte de votre roman ? Vous espérez qu'un jour il soit repris par un éditeur en vue de la réalisation d'un vrai livre ?
Pour éviter les “galères” tant aux auteur(e)s qu'à celles et ceux qui assureront la mise en pages du livre, nous nous permettons quelques conseils. En voici la première salve, consacrée aux styles.

Utiliser les styles donnera à vos tapuscrits toute la souplesse et l'évolutivité indispensables à tout travail de composition digne de ce nom. Il vous évitera des heures de modifications pointilleuses et forcément parsemées d'oublis et d'erreurs.

Note : les copies d'écrans illustrant cet article sont tirées d'un traitement de texte sous Mac OS. Ils ne correspondront peut-être pas à ceux du vôtre. En cherchant un peu (y compris dans l'aide en ligne), vous identifierez aisément les dialogues et fenêtres équivalents.

Définition : un style, dans les traitements de texte, est un ensemble de réglages typographiques rassemblés sous une dénomination unique. Ils concernent, au choix, un paragraphe entier ou seulement une série de caractères.

Rappel : un paragraphe est un texte situé entre deux sauts de paragraphes (ou retour à la ligne, ou encore retour-chariot).

Pour visualiser les sauts de paragraphes, demandez l'affichage des caractères non imprimables en cliquant sur l'outil dit “pied-de-mouche”, cette espèce de P inversé…


Ci-dessus : deux paragraphes ont été composés, le premier se terminant au mot “Belges” et le second au mot “fumés”, comme l'indiquent les deux pieds-de-mouches de couleur bleue.

Lorsque vous créez un nouveau document, le style par défaut est le style dit “Normal” (rien à voir avec un président de la République).


Si le curseur est placé n'importe où dans le corps du texte ci-dessus, le style indiqué par le traitement de texte est “Normal”.


Si, pour une raison ou pour une autre, la typographie ne vous convient pas :

À ÉVITER : sélectionner le texte et modifier ses caractéristiques (police, corps, etc.)
NOTRE CONSEIL : modifiez ce style “Normal”. Vous comprendrez pourquoi quand votre tapuscrit comptera 100 pages. En une seule opération – miracle ! – vous pourrez modifier la typographie de la totalité du texte concerné.


La gestion des styles comporte tous les paramètres de typographie possibles, rassemblés et, surtout, liés au style ainsi modifié : police, espacement des paragraphes, tabulations, etc. C'est ici – et nulle part ailleurs – que vous indiquerez comment votre texte “de base” (normal) doit être composé.

Par la suite, vous définirez d'autres styles pour les portions de texte devant être présentées différemment, en sachant toutefois qu'en étant “basés sur” le style “Normal”,  ces autres styles y resteront liés pour les paramètres qui ne seront pas personnalisés.

Et les chapitres, alors ?

Les titres de chapitres ne doivent pas revêtir la même allure que le corps du texte, nous direz-vous. Effectivement !

À ÉVITER : sélectionner “Chapitre Premier” et modifier ses caractéristiques
NOTRE CONSEIL : affectez le style “Titre 1” au paragraphe concerné.

Pourquoi “Titre 1” ? Parce que ce style est ensuite disponible pour créer une éventuelle table des matières automatique (vous pourriez procéder autrement, bien sûr, mais restons simples !)
Modifiez ensuite les caractéristiques du style “Titre 1” afin de l'ajuster à vos desiderata (centrage, corps, etc.)

Jamais deux sauts de paragraphes à la suite
Une règle intangible, fondamentale à la fois pour vous et pour l'éditeur qui reprendra votre texte pour le transférer dans un logiciel de mise en pages : jamais, au grand jamais, deux sauts de paragraphes consécutifs ne doivent exister dans votre tapuscrit (contre-exemple ci-contre, que le metteur en pages doit rechercher/remplacer avec patience et longueur de temps).

En effet, passer à la page suivante en appuyant à plusieurs reprises sur la touche Retour-Chariot ne sert à rien. L'ordinateur n'est pas une machine à écrire ! La taille du papier peut varier (surtout si l'on en fait un livre, rarement en format A4), aussi ne perdez pas de temps à procéder de la sorte, ça ne tombera jamais juste, ne serait-ce que si vous modifiez les marges supérieures ou inférieures du tapuscrit en cours de travail…

Application pratique au style des chapitres

Un chapitre doit commencer sur une nouvelle page. Bien. Modifiez donc le style “Titre 1” en conséquence, en cochant dans la rubrique Paragraphe / Enchaînement la case “Saut de page avant” (un saut de page sera effectué avant le paragraphe concerné).


De même, si vous souhaitez qu'un espace soit ménagé entre le titre du chapitre et le corps du texte :

À ÉVITER : sauter 2, 3 ou 4 lignes après le titre.

NOTRE CONSEIL : réglez le style “Titre 1” en jouant avec les paramètre d'espace après le paragraphe, dans la rubrique “Retrait et espacement”.
Par exemple : 48 points (l'unité, ici, est le point typographique et non une mesure en millimètres).

Que constatez-vous ?


Le signe de “fin de paragraphe” est unique, après le mot “février”. L'espace après le paragraphe de style Titre 1, fixé à 48 points, ménage un espacement suffisant avant le début du texte du chapitre (espace qu'il vous sera loisible de modifier ensuite à tout moment selon l'expression consacrée).
Le petit carré en bas à gauche du paragraphe indique quant à lui qu'un saut de page avant le paragraphe a été généré.

Oui, mais je veux que certains paragraphes soient précédés d'une ligne double !

C'est votre droit !

À ÉVITER : des doubles sauts de paragraphes, nous vous en prions, ils pourraient se perdre lors du transfert pour mise en pages, un cauchemar ensuite s'ils doivent être vérifiés un par un.
NOTRE CONSEIL : Créez une variante du style “Normal”, que vous appellerez par exemple “Normal espace avant”, en réglant l'espacement avant au nombre de points souhaités (par exemple le double du corps employé). Affectez ce style aux paragraphes concernés.
Et, encore une fois, si vous changez d'avis sur cet espacement, en une seule opération, vous pourrez le faire en modifiant les paramètres du style “Normal espace avant”.

Et si je veux des astérisques ?

À ÉVITER : Aller à la ligne, taper une étoile, centrer le paragraphe…
NOTRE CONSEIL : Créez une autre variante du style “Normal”, par exemple “Astérisque”, centré et avec les espacements qui vous conviennent.


Le nouveau style, intitulé “Astérisque”, est basé sur le style “Normal” (important, si vous modifiez celui-ci, celui-là suivra), et est centré (en bas à gauche).


Le style “Astérisque”, paramétré avec des espacements avant et après de 12 points, a été appliqué au paragraphe comportant un astérisque comme seul caractère.

Styles de caractères

Les styles de caractères permettent de gérer finement la typographie de portions de texte comprises à l'intérieur d'un paragraphe. Leur utilité ne vous paraîtra peut-être guère évidente au premier abord.

Imaginons que vous ayez décidé de composer en italiques les pensées de vos personnages, comme c'est le cas dans notre exemple :


À ÉVITER : sélectionner la phrase, et actionner le bouton Italiques…
NOTRE CONSEIL : Créez un style de caractères baptisé “Pensées”. Pourquoi ? Si vous changez d'avis en cours de route, et décidez de composer les pensées en caractères romains (non-italiques), vous pourrez le faire en une seule opération. Il en sera de même pour l'éditeur qui reprendrait votre texte.


Après avoir sélectionné la phrase, appliquez-lui le style “Pensées” :


Ce procédé permet aussi de composer les sigles de façon moins “tonitruante” en leur donnant un corps moins élevé que le texte “normal”, voire en choisissant des petites capitales (on songe, notamment, aux siècles). Même chose pour les appels de notes de bas de pages… Mais nous entrons déjà dans une sophistication plus prononcée.
Quoi qu'il en soit, dès que vous décidez d'employer une typographie spécifique ou dérogatoire, créez le style correspondant. La tâche de tous en sera facilitée par la suite.

13 mars 2016

Le commissaire Brunetti, épisode 21

L'inconnu du Grand Canal (Beastly Things), est la vingt-et-unième enquête du commissaire Brunetti, série à succès signée de l'écrivaine américaine Donna Leon (Points, Seuil, 2016). Depuis 1992, avec une régularité sans faille, l'auteure publie en effet un épisode par an, auxquels se sont ajoutés quelques incursions dans d'autres registres.

Suivre cette série nous intéresse doublement, aux éditions AO. D'une part parce que nous apprécions le personnage et Venise, d'autre part parce que nous éditons, aussi, une série mettant en scène un commissaire… Raison de plus de prendre connaissance d'un nouveau tome d'une saga à succès, pour en observer les techniques !

La familiarité que procure un personnage récurrent est essentielle. Peut-être y sommes-nous exagérément attaché. Un goût pour les séries, acquis dès l'enfance avec les Club des Cinq ou les Bob Morane ? Pas impossible… Venise, de surcroît, figure parmi nos plus forts émerveillements touristiques.

Malheureusement, notre ressenti à la lecture de cette nouvelle enquête est une profonde déception, au point d'avoir parfois la sensation de lire un pastiche. Avec le temps, l'auteure (et nous, lecteurs) se lasserait-elle ? Tout ce qui faisait l'attrait de la série se retourne en autant de défauts. Les dialogues fouillés ? Fastidieux et lents, ils mettent notre patience à rude épreuve. La petite famille du commissaire, sa femme Paola, son fils Raffi et sa fille Chiara ? Ils ne font que de la figuration, au point qu'on a hâte que la soirée à la maison s'achève pour pouvoir passer à la suite de l'enquête. Venise ? Il a toujours fallu, dans les romans de Donna Leon, se contenter d'allusions lapidaires à ce décor pourtant essentiel et exceptionnel. Cette fois-ci, mis à part quelques lieux emblématiques et quelques stations de vaporetto, rien qui titille l'imagination. On doute même parfois de l'exactitude des trajets quand le commissaire et son adjoint contournent à la fois la basilique San Marco et l'île San Giorgio (page 186).

Dans chaque épisode, un thème domine l'enquête. Ce coup-ci, ce sont des abattoirs qui sont au centre d'un assassinat à élucider. Raison de plus de s'éloigner de Venise, vers la terre ferme, le “continent”, comme disent les Vénitiens. Rien de bien exaltant donc, à part peut-être la description assez crue des méthodes d’abattage des bêtes.

Dès lors, les tics de style sautent plus aux yeux, au premier rang desquels ces descriptions laborieuses d'apéritifs, de repas au restaurant ou au domicile familial, dialogues entrecoupés de précisions sur les mets et boissons ingérés, procédé répétitif et, in fine, exaspérant.
« Elle sirota son vin. “Mes étudiants ont du mal à saisir le sens de toute action humaine qui ne soit pas motivée par un profit financier.
— Il y a beaucoup de gens comme ça autour de nous“, répliqua Brunetti, en prenant une olive. »
Etc.
Et il y a aussi cet incident de traduction, que nous avions déjà repéré, dubitatifs. La règle, pour un traducteur, est stricte : interdiction d'en faire trop, et donc d'améliorer la prose de l'auteur original. D'où cette manie des “petits bruits” que les personnages émettent régulièrement dans les enquêtes du commissaire Brunetti. On songe aux “vents”, même sans avoir l'esprit mal tourné :
Brunetti émit un petit bruit en signe d'approbation, ou de compréhension, voire de remerciement.
Ou encore :
Brunetti émit un petit bruit en signe de reconnaissance.
Ainsi que :
Comme ils se dirigeaient vers la porte, Letizia émit un petit bruit. Ce n'était pas un mot, tout juste un son aspiré.
Grâce à de patientes recherches dans Google Books, nous avons retrouvé l'expression anglaise : noise, tout simplement :
Brunetti made a noise of agreement…
Brunetti made a noise of acknowledgment…
Remercions la traductrice (Gabriella Zimmermann) de nous avoir épargné “fit un bruit” !

Au passage, nous apprenons que son prédécesseur, William Olivier Desmond, est décédé fin 2013. Quelle tristesse ! Nous avions rencontré cet écrivain et traducteur à un salon du livre de Oloron-Sainte-Marie, un homme exquis, passionnant à écouter et de contact très agréable.

Qu'on ne se méprenne cependant pas : comme toujours, nous avons été jusqu'au bout du roman sans barguigner, impatients de connaître la solution de l'énigme, et tentant héroïquement de compléter les “vides” ou oublis par notre imagination. C'est l'un des atouts, et non des moindres, de la lecture !

10 mars 2016

Une fiction instructive…

Tout comme l'auteur de ces lignes, vous avez certainement entendu autour de vous des phrases comme :
« Le Front national est le seul parti qu'on n'a jamais “essayé”. Alors, tant qu'à faire, hein ? Ça peut pas être pire… »
Ou encore :
« J'en ai marre, j'ai envie de tout envoyer péter. On nous dit de ne surtout pas voter Front national ? Allons-y, alors ! »
Face à de telles affirmations, les habituelles objections sont sans effet. Aussi indignées – et justifiées – soient-elles, les mises en garde sur un parti “fasciste”, autoritariste et raciste sont inaudibles. Elles ne sont partagées que par les adversaires du FN, par construction déjà convaincus, jusqu'à cet excès inévitable : se persuader, entre soi, d'être les héroïques militants, le dernier rempart contre la barbarie, etc, sans malheureusement jamais toucher l'électorat du FN.

Le livre de Michel Wieviorka, Le Séisme, sous-titré “Marine le Pen présidente” nous paraît plus pédagogique par son approche réaliste et documentée. L'auteur est sociologue, et il prend l'identité d'un journaliste américain qui couvrirait l'événement et ses suites, du 8 mai jusqu'en décembre 2017. Nommé Michael W. Squirrel, ce personnage fictif apporte la distanciation nécessaire à l'exercice.

De quoi s'agit-il ?
Tout simplement d'un récit de politique-fiction, imaginant que Marine le Pen l'emporte de peu (51,8%) au second tour en 2017, où elle était opposée à François Hollande (une hypothèse qui semble se périmer, mais peu importe). L'auteur essaye alors d'enchaîner la logique des faits. Et il se débrouille très bien. Quelques surprises montrant une fine analyse de la Constitution, mais surtout la démonstration implacable de ce que serait… “le pire”, justement. À la lecture de ce récit, on comprend vite en quoi “essayer le FN” serait catastrophique, et le prix à payer pour “tout envoyer péter”… colossal ! Et ce à la façon d'un journaliste : que des faits, certes imaginaires, mais toujours soigneusement reliés par une logique difficilement contestable.
Certes, comme tous les livres politiques à la péremption rapide, celui-ci n'est guère soigné, ni sa couverture (un titre français sur un journal anglo-saxon ?), ni son titre, ni même sa rédaction. Il n'en demeure pas moins pertinent.

À tous ceux, donc, qui voudraient “faire le test” en vraie grandeur… lisez ce livre ! Le frisson à moindre coût (!) et, quand vous l'aurez refermé, un goût âcre dans la bouche, on vous met au défi de vouloir encore voter Front national. Quant à ceux qui ne voteraient jamais pour un tel parti, lisez-le également, il vous fournira des arguments, et titillera votre fibre d'auteur(e) de SF (pour tout dire, c'est un peu le livre que nous aurions aimé écrire…).

À regarder : l'interview de l'auteur sur RMC-BFM-TV.


06 mars 2016

Aurélien Bellanger a encore frappé !

Étrange roman que cet Aménagement du territoire !

L'exposition occupe plus de 140 pages, soit un bon quart du livre. Aurélien Bellanger nous brosse la longue histoire de familles d'une petite ville nommée Argel, proche de Laval (Mayenne). C'est savant, documenté, rédigé à la façon du synopsis d'une saga de romancier du XIXe siècle. Parmi les personnages, un haut fonctionnaire de l'aménagement du territoire, un entrepreneur de travaux publics ayant fait fortune dans les grands chantiers des années soixante et soixante-dix
On se demande où veut en venir l'auteur.

La seconde partie, intitulée “LGV” nous ramène à l'époque actuelle. La construction de la ligne à grande vitesse devient l'élément perturbateur qui va cristalliser toutes les ambitions et tous les fantasmes du microcosme longuement mis en place dans la première partie. Contre toute attente, l'histoire bascule lentement, mais sûrement, vers l'étrange, tant les protagonistes se révèlent de plus en plus fous. Sociétés secrètes, extrémistes de tout poil — du nostalgique de la France éternelle à des activistes zadistes borderline — nous conduisent tout droit dans des spéculations et projets tous plus fantaisistes les uns que les autres. On passe du Club des Cinq (sic !) à des desseins paranoïaques dignes des Bob Morane (“et je serai le maître du monde”). Ce mélange des genres étonnant séduit ou irrite selon les pages. Un tension se crée peu à peu, incitant à poursuivre la lecture, jusqu'à un final qui se veut brillant et se révèle mollasson et, pour tout dire, sordide.

Aurélien Bellanger - Livre sur la Place 2014 (15037706959)
Le plus amusant, dans ce long roman, est peut-être la façon appliquée dont Aurélien Bellanger pastiche Michel Houellebecq, jusqu'au titre, allusion évidente à La Carte et le Territoire (*). Rien d'étonnant : il est l'auteur d'un essai, Houellebeq, écrivain romantique (2010). Parmi les tics de son maître figure le choix de la rédaction à l'imparfait, y compris dans la période contemporaine, donnant la sensation que l'auteur se situe au-delà de notre époque, sur laquelle il porte un regard sarcastique, vaguement désespéré. Exemple :
Le TGV était un jouet de technocrate indifférent à l'existence du territoire réel. La carte de la grande vitesse était une carte autonome.
On a alors l'impression que l'enchaînement des événements, implacable et quasi-automatique, résulte d'une sorte de malédiction, que les personnages, qui ont, pour parler crûment, “pété un câble”, appellent de leurs vœux maladivement.

L'auteur répète ici sa vision apocalyptique qu'il avait développée dans son précédent roman, La Théorie de l'information (que nous avions lu) avec beaucoup plus d'originalité… et d'humour. Même si la critique de La Provence reproduite en quatrième de couverture remarque que cette “fiction” est “curieusement d'un humour constant”, il est presque impossible de savoir si c'est délibéré ou… involontaire de la part du romancier !

Il reste une succession de morceaux de bravoure, à la virtuosité souvent superfétatoire, parfois ennuyeuse, desquels émergent quelques scènes inattendues, rocambolesques et feuilletonesques, férocement noires, voire absurdes, comme si l'intellectualisme ne pouvait conduire qu'à une forme de folie. Au bout du compte, ce territoire qui devait être aménagé se veut la métaphore d'un monde courant à sa perte, tour à tour mégalomane ou, encore une fois, paranoïaque dans toutes ses composantes, traditionalistes ou révolutionnaires. Il n'empêche que l'on passe des heures de lecture sinon passionnantes, du moins attentives, étonnées et… perplexes !

NB : nous avons rédigé cette brève analyse sans consulter aucune des critiques disponibles sur le Web. Nous allons maintenant y jeter un œil, avec une petite inquiétude. Et si l'on n'avait rien compris à ce roman ?

(*) L'allusion est limpide en page 63 :
Lentement elles [les villes nouvelles et métropoles d'alternance] déplieraient la France et feraient correspondre, à terme, la carte du pays avec son territoire.

04 mars 2016

Jean-Claude Charlet interviewé sur la RTBF

La radio-télévision belge de la Communauté française, la RTBF, a reçu Jean-Claude Charlet sur l'une de ses stations de radio, VivaCité. C'était le 4 mars, dans l'émission Grandeur Nature, consacrée à Chamonix et au mont Blanc.
L'émission peut être réécoutée à ce lien sur le site de VivaCité. L'interview, conduite par Adrien Joveneau, commence à 1h20 et 45 secondes et dure quatre minutes.

Parmi les sujets évoqués
La Compagnie des Guides de Chamonix, la plus ancienne de toutes, a été créée il y a près de 200 ans, en 1821. Quand on parle à Jean-Claude de la “dynastie” des Charlet, il esquisse un petit rire, avant de reconnaître que l'on peut identifier ses ancêtres dans la vallée de Chamonix dès le XIVe siècle — vertigineux !
Son premier mont Blanc, Jean-Claude Charlet l'a gravi avec un client belge, alors qu'il venait d'obtenir son diplôme de guide. L'épisode est relaté dans son livre, De Fils en Aiguilles, sous le titre “Les collines de Chamonix” (page 23), des “collines” de plus de 4000 mètres, que ce client enchaîna sans sourciller !
Les alpinistes connaissent bien le refuge Albert 1er, au-dessus du village du Tour, point de départ de nombreux itinéraires, des plus faciles aux plus difficiles. Le refuge a été ainsi baptisé en l'honneur du roi des Belges, Albert (1875-1934), qui était un fervent pratiquant de l'alpinisme.
L'interview se conclut par un hommage à Roger Frison-Roche, dont les romans d'alpinisme, les plus célèbres du genre, ont incité des milliers de lectrices et lecteurs francophones à découvrir la montagne dans la vallée de Chamonix. Jean-Claude nous rappelle que cet homme affable, épicurien, toujours accessible et disponible, vécut en pleine forme jusque l'âge avancé de 92 ans…