27 février 2017

Quand le diable sortit de la salle de bain - Sophie Divry

Le roman de Sophie Divry, Quand le diable sortit de la salle de bain, m'a procuré une lecture stimulante à bien des égards.

Cette chronique de la vie précaire de la narratrice – qui porte son prénom – met les points sur les i en dénonçant les galères auxquelles sont confrontés tant de nos concitoyens, en particulier les plus jeunes. Les fins de mois avec à peine 1 € par jour pour ne serait-ce que se nourrir, les atermoiements et menaces des organismes sociaux, les facturations soudaines et aléatoires des fournisseurs de services de base (électricité, eau), tout est minutieusement décrit… avec un humour dévastateur.


Les fantaisies textuelles – l'éditeur qualifie avec raison l'auteure de “facétieuse” – dynamitent la lecture, et font la preuve des virtuosités de Nord Compo, dont j'ai remarqué la signature dans nombre de livres, garantie d'une mise en pages exemplaire (je conserve certains de ces livres pour m'inspirer et me cadrer dans mes travaux d'édition).

Facéties sur la forme, mais aussi sur le fond, avec ces énumérations répétitives occupant parfois plusieurs pages… Il faut oser, car le lecteur risque de se lasser en dépit de l'humour et d'une aisance indéniable de l'auteure dans le maniement des mots. On songe à la liste des “hommes qu'elle n'aime pas”, soit 5 pages compactes, très instructives au demeurant ! Bien vue également, la description détaillée des tâches d'une serveuse de restaurant, qui nous fait prendre soudain conscience de la difficulté de ce métier, trop souvent vanté par Pôle Emploi comme à la portée de tout un chacun, pour cause d'offres non pourvues – on comprend mieux pourquoi, bravo !

N'empêche ! Il faut oser, pour inclure de telles digressions et acrobaties dans un roman ! En tant qu'éditeur, voilà qui me rassure, ou du moins me conforte quand je me trouve plongé dans des abîmes de perplexité ou de manque de confiance… Que Le Monde des Livres, cité en quatrième de couverture, soit positif m'a bluffé. Soumettre aux si sérieux critiques de ce journal un pareil texte m'aurait carrément fait paniquer. Eh bien non, les voici louant la “réponse bravache à la pauvreté matérielle du quotidien”, ce qui est assez juste. Ouf !

Il reste que la fin est abrupte, en dépit des “bonus” offerts à la façon d'un DVD. Elle pourrait même être interprétée dramatiquement. Constatant la réussite de l'auteure et ses succès de librairie, peut-être qu'oser une happy end aurait été jouable, rassérénant le lecteur un brin désespéré pour s'être identifié à la narratrice. On songe à la “résidence d'écrivaine” obtenue, si l'on a bien compris, pour achever l'écriture du roman. Son titre initial, simple et direct, était “Chômage”. Il est devenu carrément alambiqué, avec ce diable qui sortit de la salle de bain – “bain” sans S, contrairement à ce que je corrige sans cesse dans les tapuscrits que j'édite. Comme quoi les titres peuvent aussi recéler des coquilles. Celle-là est plus amusante qu'autre chose, et sujette à caution, éternelle question du pluriel dans ce type d'expressions, sans réponse incontestable.

Enfin, le roman se déroule à Lyon, sur les pentes de la Croix-Rousse, autre référence élégamment campée par l'auteure. Pour être Lyonnais d'adoption depuis quelque vingt années, j'ai ressenti comme juste l'ambiance décrite, ou plutôt l'état d'esprit qui filtre de cette chronique désabusée. D'ailleurs, j'ai imaginé que le nom de l'auteure pouvait être un pseudonyme, sur le mode de Virginie “des pentes” (de la Croix-Rousse), une écrivaine “d'Ivry” faisant penser à la commune du sud de l'Île-de-France…

Jean-Luc Tafforeau, éditions AO

10 février 2017

Les Enfants du Cèdre - un livre-témoignage

Le hasard a ses politesses : c'est le jour de mon anniversaire, le 14 novembre dernier, que j'ai été sollicité pour la réalisation d'un livre pour le compte de trois auteures, qui souhaitaient l'auto-éditer en vue d'une diffusion restreinte.

La soixantaine arrivée, trois sœurs lyonnaises travaillaient depuis plusieurs années à l'écriture d'un livre de souvenirs, afin de les transmettre à leur famille autrement que par la tradition purement orale. Elles recherchaient quelqu'un capable de “transmuter” le tapuscrit en “vrai livre”. Timidement, elles m'indiquèrent que ce serait bien qu'il soit au pied du sapin le 25 décembre. Le délai était serré !

Le symbole de leur enfance se trouvait être non pas un sapin, mais un cèdre. Un arbre vénérable, qui trônait dans le jardin de la maison familiale que leurs parents louaient dans les années cinquante. La maison a été démolie… mais le cèdre, lui, est toujours là ! C'était au pied de ce cèdre que s'était tenue une réunion de famille, au terme de laquelle le serment avait été scellé : Claudine, Danièle et Noëlle rédigeraient ces souvenirs et en feraient un livre…

Mission accomplie : la petite centaine d'exemplaires nous parvenaient le vendredi 23 décembre, juste à temps !

Dans l'intervalle, j'avais soigneusement révisé le texte – orthographe, typographie, ajustements de vocabulaire – et mis en pages le livre, en incluant un cahier de photographies en couleur. Je m'étais chargé des démarches administratives permettant d'obtenir le “césame” de l'édition : un ISBN (International Standard Book Number).  J'ai enfin aidé les auteures à la conception d'une couverture (à rabats), au choix des papiers intérieur et extérieur, et piloté le processus d'impression.

Résultat, un bien bel objet, qui symbolise une fois encore ce “pouvoir des livres” célébré par Paul Auster dans son livre Broolyn Follies, et que les éditions AO citent souvent, tant il est manifeste.

Les Enfants du Cèdre, édité sous le sigle CDR (les prénoms des trois sœurs), ISBN 978-2-7466-9730-0, 172 pages format 13 x 20,5 cm, cahier de 17 photos. Descriptif détaillé sur le site des éditions AO.

Jean-Luc Tafforeau, gérant des éditions AO

À droite : La couverture à rabats est imprimée sur un papier très légèrement teinté, aux fines rainures verticales, illustrée d'une vue du “cèdre” de nos jours, en noir et blanc.
 De gauche à droite : dans les rayons d'une bibliothèque, la couverture et le cahier de photos.