11 janvier 2016

Arrêtez-moi là, de Gilles Bannier, d'après Iain Levison

À plusieurs reprises déjà, nous avions évoqué sur ce blog notre intérêt pour les adaptations de romans à l'écran, et notre goût pour une “double lecture” : voir le film, puis lire le livre pour approfondir l'intrigue et les personnages – ou l'inverse, comme dans le cas de Seul sur Mars.

L'adaptation est, à notre avis, souvent plus réussie lorsqu'elle inclut un changement de pays, par exemple un film transposé en France pour des romans écrits par des Américains et situés aux USA. Deux grandes réussites dans cette configuration doivent être relevées :
  • Ne le dis à personne, film de Guillaume Canet (2006), avec François Cluzet, tiré du roman éponyme de Harlan Coben (Tell No One, 2001).
  • L'Homme qui voulait vivre sa vie, film d'Éric Lartigau (2010), avec Romain Duris, tiré du roman éponyme (en français) de Douglas Kennedy (The Big Picture, 1997)

Il vient de s'y ajouter un tout nouveau film, très mal distribué malheureusement, que nous vous conseillons donc d'aller voir “séance tenante”, Arrêtez-moi là. Réalisé par Gilles Bannier, il adapte le roman de l'excellent Iain Levison (The Cab Driver, 2010), dont nous avions déjà parlé dans ces colonnes.

Le scénario, du réalisateur et de Nathalie Hertzberg, parvient à regrouper l'intrigue sur une période de temps plus brève que celle du roman, mais surtout à transcrire la chronique de cette terrible erreur judiciaire dans la procédure pénale française. Servi par de remarquables interprètes, le film se voit avec émotion et indignation, on reste scotché sur son siège durant les 96 minutes de pellicule. Ce fut pour nous l'occasion de découvrir Reda Kateb, son jeu sobre et très crédible duquel surgissent soudain de fulgurantes émotions. Un comédien marquant et prometteur, à suivre de près !

Certains critiques auraient relevé des approximations scénaristiques. Quand on a lu le livre, elles disparaissent. Nous vous le conseillons fortement, surtout que vous découvrirez alors tout le versant américain de l'histoire, ainsi que nombre de développements complémentaires.
Il faudrait cependant faire une étude comparée des procédures judiciaires et pénales américaines et françaises afin de déterminer si pareille erreur judiciaire pourrait se produire aussi facilement en France qu'aux États-Unis…

Le livre se distinguait par une couverture au graphisme très réussi. Elle a été reprise dans la version poche publiée par le même éditeur, Liana Levi (collection Piccolo, n°87, 9,50 €).

08 janvier 2016

De 1 à 1 million de livres ®

C'est le slogan du groupe CPI, qui rassemble de très grandes sociétés d'imprimerie. Pour avoir l'habitude de consulter les dernières pages des livres que je lis, j'avais mémorisé des raisons sociales comme Brodard & Taupin, Firmin-Didot ou Bussière, ainsi que leurs implantations, La Flèche (Sarthe), Mesnil-sur-l'Estrée (Eure) ou Saint-Amand (Cher). Elles font partie du groupe CPI.

C'est la raison pour laquelle j'avais répondu favorablement à l'invitation de deux responsables de CPI, messieurs Mure-Raynaud (DG adjoint) et Massat (responsable commercial du site firmin-didot.fr). Nous avons eu le plaisir de partager un repas à la Brasserie 33-TNP de Villeurbanne. Autant dire que j'étais flatté de l'attention qui m'était accordée, étant, vous vous en doutez, plus proche du “1 livre” que du “1 million de livres” dans mes commandes aux imprimeurs !

Tout comme mon activité de conseil en informatique, celle d'éditeur me permet de découvrir une multitude de milieux professionnels, et d'apprécier leurs spécificités, depuis le petit électroménager (groupe Seb) jusqu'à la charcuterie industrielle (Aoste), depuis le notariat (Cheuvreux notaires) jusqu'aux congrès médicaux (MF Congrès), sans oublier les professions très diverses des auteurs que je publie. C'est ainsi que, selon ces clients, CPI signifiera Code la Propriété Intellectuelle, Contrat de Promotion Immobilière, Conception de Produits Industriels ou Characters Per Inch, ce qui nous ramène à l'imprimerie ! Mais le développé de CPI (imprimeurs) semble être un secret d'initiés ! (1) Au cours de ce déjeuner avec MM. Massat et Mure-Ravaud, j'ai réédité cet agrément de la découverte d'un métier.


L'enjeu, pour des imprimeurs, c'est bien sûr de décrocher les contrats “du siècle” que représentent les prix littéraires ou les grands succès de librairie. C'est ainsi que M. Mure-Ravaud se souvient avec émotion d'avoir validé un bon de commande pour 1,2 million d'exemplaires (un épisode des Harry Potter), ou d'avoir mobilisé des directeurs d'imprimerie pour, en l'espace d'une heure, lancer l'impression de plusieurs centaines de milliers d'exemplaires d'un prix Goncourt, afin de livrer les librairies en moins de 20 heures montre en main.

Avec M. Massat, dont je suis l'un des clients, nous avons parlé mise en pages, petits et grands fonds, folios de pages visibles ou invisibles, plaisir de tenir en main des livres aux dos carrés collés solides et souples. L'un des plaisirs de l'éditeur est, en effet, de recevoir et prendre en main le livre patiemment relu, révisé, corrigé et mis en pages. “Nous partageons cette émotion pour cet objet qui s'écrit, se lit, se touche, se respire !” indique CPI en ouverture de sa brochure institutionnelle. C'est bien dit ! Un coup de pied de l'âne aux e-books, au passage, incolores (les liseuses sont en noir et blanc), inodores et… finalement sans beaucoup de saveur.

Aux éditions AO, nous avons utilisé les services de firmin-didot.fr pour deux de nos publications.

Pique rouge, Cœur noir, tout d'abord, le recueil de nouvelles de l'auteur lyonnais François Boulay, qui avait reçu le prix Quais du polar en 2007. Un très bel objet, de format 13 x 20,5 cm, un peu plus de 200 pages (208 exactement, multiple de 8 par tradition), à la couverture (sur carte 240 grammes) pelliculée en mat grâce au procédé SuperMatt™, intérieur sur papier bouffant sans bois 80 grammes. Le prix était très compétitif, soit 3,22 € HT pour un tirage de 250 exemplaires seulement.

Avec Et pour un livre de plus…, ce fut quasiment du print-on-demand, ce livre de fantaisies littéraires, dans notre collection Rimotises, ayant été imprimé en très petites quantités. La récente commande, reçue ce matin même, concernait 7 exemplaires. Le prix unitaire demeure abordable, contrairement à ce que l'on pourrait supposer (confer par exemple lulu.com), soit seulement 6,42 €. Avouez qu'il n'y a plus de raison de se priver du plaisir inouï de faire imprimer son propre livre lorsqu'il équivaut à celui d'un livre de poche !

Dans l'actualité : le livre renoue enfin avec la croissance

Le Monde, dans son édition du 5 janvier 2016, annonçait que le “livre renoue enfin avec la croissance”, une nouvelle qui ne peut que nous ravir, d'autant qu'il y est aussi précisé que les librairies de proximité ont vu leur chiffre d'affaires augmenter, une juste récompense de leurs efforts – que nous observons au quotidien. La hausse sur 2015, de 1,5%, aurait pu être plus forte d'un point sans les suites des attentats de novembre. Observons au passage que les ventes de musique ou de vidéo “décroissent”, elles, de 6% et plus de 10%, malgré la hausse importante des ventes en lignes.

L'article cite bien sûr les grands succès de 2015, parmi lesquels :
  • Soumission, de Michel Houellebecq : 560 000 exemplaires
  • Le Charme discret de l'intestin, de Giulia Enders : 455 000 exemplaires
  • Ce qui ne me tue pas (Millénium, tome 4), de David Lagercrantz : 381000 exemplaires
  • D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan : 320 000 exemplaires
  • Boussole, de Mathias Enard : proche des 200 000 exemplaires
  • After, d'Anna Todd : 1 million d'exemplaires (5 tomes)
  • Le Livre de Baltimore, de Joël Dicker : 280 000 exemplaires
  • La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, de Joël Dicker (édition de poche) :
    250 000 exemplaires

Le livre se porte plutôt bien, par conséquent, même si l'équilibre économique de la branche demeure fragile. Souhaitons pour 2016 que la croissance se poursuive. Nous avons besoin du livre pour vivre, tout simplement, et ce dans tous les sens du terme !

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(1) Quoique… Grâce à l'amabilité de CPI, nous sommes en mesure de vous indiquer que l'origine du sigle était Chevillon Philippe Industrie, signification aujourd'hui obsolète.