19 mai 2018

À propos d'écriture inclusive


La philosophe Barbara Cassin a été élue à l'Académie française le 4 mai 2018. Dans une interview au Monde (édition datée des 13-14 mai), elle résume fort bien notre opinion sur l'écriture inclusive (zoomez sur l'image pour lire le texte).
« Écrire ainsi tout du long [d'un texte] et prétendre y contraindre, c'est un gâchis illisible, inesthétique, donc impardonnable. »
Tout y est : prétendre y contraindre. Quelle est cette nouvelle mode soudaine de l'autoritarisme ? Illisible : or, quand on publie des textes, que doit-on faire avant tout autre chose, si ce n'est les rendre lisibles ?

Plus loin dans sa réponse, Barbara Cassin se montre favorable à un accord des adjectifs sur le dernier substantif, une idée qui ne nous choque pas. Après tout, pourquoi pas ? C'est une règle comme une autre, qui a sa logique et ne compromet pas la compréhension…
Quoique… Dans certains cas, il faudrait alors adapter sa rédaction. Amusante coïncidence, dans la même édition du Monde, l'éditorial comporte une phrase montrant l'écueil :
« Il est vrai que ce producteur américain, accusé de harcèlement et d'agressions sexuels… »
L'adjectif “sexuels” est au masculin. Ce qui signifie que ce sont à la fois le harcèlement et les agressions qui sont “sexuels”. En écrivant “accusé de harcèlement et d'agressions sexuelles”, on aurait signifié qu'il s'agissait de harcèlement en général (moral, notamment), et d'agressions à caractère sexuel. Dans ce texte, la nuance est sans grande importance. Il en serait autrement dans un texte à valeur juridique, le droit pénal définissant avec précision des crimes et délits : harcèlement sexuel, pourrait, par exemple, être qualifié plus sévèrement que le harcèlement moral.
L'extrait figure ci-dessous.