03 décembre 2019

Féminisation des noms de fonctions et de métiers

Dans Libération du 27 novembre 2019, Claire Gratias publiait une tribune dans la rubrique “Idées”, intitulée “Pourquoi je ne suis pas une ‘autrice’’’. Une contribution au débat sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions qui mérite attention, au-delà des postures militantes trop souvent sans nuances – et surtout sans bienveillance à l'égard des argumentations, par essence multiples.


Une recherche sur Wikipédia nous apprend que “Claire Gratias, née en 1964, est une autrice jeunesse française. Elle a longtemps été professeure de Lettres dans le secondaire”. Nul doute que la formulation de l'encyclopédie collaborative ne lui convient guère…

Pourquoi les mots “auteure” ou “autrice” provoquent-ils chez elle une telle réticence ? s'interroge-t-elle.

En premier lieu pour des raisons de musicalité de la langue, notion subjective s'il en est, mais qui ne manque pas de pertinence, comme le fait que “autrice” lui fait penser à “motrice” ou à “eau triste” (très poétique !).

Claire Gratias poursuit en notant que “si j'étais un homme, je me serais peut-être empressé d'adopter ‘écrivaine’ ou ‘autrice’ afin de prévenir toute accusation de sexisme”. En tant qu'éditeur (homme, donc), nous ressentons la même injonction… Puis elle rétorque : “Mais je suis une femme, dont écrire est le métier, je me dois donc d'être d'accord avec ce nouvel usage, ma réticence devenant suspecte. Or, ce qui me gêne, ce n'est pas que la langue évolue, c'est cette pression exercée au nom de la bien-pensance.” Quand on parle d'injonction…

Les phrases les plus convaincantes de l'article sont à notre avis celles-ci :

“Il me semble au contraire que l'égalité entre les hommes et les femmes sera avérée le jour où la féminisation systématique ne sera plus nécessaire. À l'instar de la parité, elle ne fait selon moi que souligner l'impuissance d'un corps de métier à accéder à la même considération que son pendant masculin.”


Et de citer Audrey Jougla, qui affirmait son “désir d'égalité qui revendique l'utilisation du masculin par le féminin pour lui faire la nique !”, une façon plus caustique d'aller à contre-courant, mais non moins remarquable (au sens propre de l'adjectif).


Nous terminerons sur une incursion dans la langue anglaise, qui ajoute dans certains cas les pronoms personnels comme s'ils étaient des adjectifs, par exemple  “a she-wolf” pour une louve. À notre sens, une femme écrivain est avant tout écrivain, et pas “seulement” une “she-writer”.

Cette nouvelle pièce méritait d'être versée au dossier de la féminisation des noms de métiers et de fonctions.