Chaque parution d'un “topo Piola” rend fébriles les amateurs d'escalade. Ils savent en effet que le nouveau volume va leur révéler une avalanche d'itinéraires inédits, dont un grand nombre sont estampillés du “label Piola”. Car Michel Piola doit faire face à un phénomène “boule de neige” (ou plutôt “boule de roc”). Il ouvre tellement de voies que son travail de rédacteur de topo ne cesse de croître au fur et à mesure qu'il avance. Une tâche sans fin !
Quatre années de patience
C'est la raison pour laquelle quatre années séparent le tome 2 des Aiguilles Rouges du tome 1, paru en juin 2008. Mais cette année, il a fallu attendre l'automne pour se procurer Les Aiguilles Rouges 2, l'Eau noire. Est-ce parce que ce secteur reste accessible tard dans l'année ? Pas vraiment. En réalité, l'auteur voulait certainement achever quelques-uns des itinéraires majeurs de sa composition avant d'imprimer le livre. C'est le cas par exemple du Golden Pillar à la pointe de la Veudale (achevé le 12 juillet dernier), ou des Diamants de sang au mont Oreb, daté du 26 juillet 2012, qui a dû être l'urgence de bouclage avant envoi chez l'imprimeur !
Une première de… sommet ?
Le topo décrit des secteurs en grande partie inédits. L'aiguille de Mesure, par exemple, figurait parmi les zones quasi oubliées des Aiguilles Rouges. On apprend que, depuis une dizaine d'années, c'est devenu un endroit riche en itinéraires nouveaux. Si, aujourd'hui, on inaugure toujours de nombreuses “premières lignes” d'ascension, il est beaucoup plus rare d'enregistrer des premières… de sommets. Eh bien, il semble que ce soit le cas d'une pointe voisine de l'aiguille Morris, qui pourrait bien n'avoir jamais été gravie avant que l'auteur n'y parvienne (en solo) en avril 2007 – et la baptise pointe Icare.
Les sommets qui dominent les alpages de la Loriaz, bien peu parcourus en dépit d'une très ancienne voie Charlet-Devouassoux de… 1926 (!), comptent désormais des lignes de grande envolée pouvant atteindre les 600 mètres, une hauteur inédite dans les Aiguilles Rouges.
La description laconique de l'arête est de la Corne de Loriaz dans l'édition 1946 du Guide Vallot des Aiguilles Rouges. L'itinéraire avait été ouvert il y aura 86 ans dans quelques jours (1er novembre).
Mont Oreb : un géant sort de l'ombre
Le nom même du mont Oreb était inconnu de l'auteur de ce blog. Ce voisin du Buet est aujourd'hui constellé d'itinéraires présentant la particularité d'avoir exigé un colossal travail de nettoyage. Michel Piola précise d'ailleurs avoir passé une cinquantaine de jours à rendre praticables quatre nouvelles lignes, dont l'une bat tous les records de dénivelé : 800 mètres ! (Les Chercheurs d'or, ouverte de l'été 2010 à septembre 2011). Un travail titanesque !
Parmi les secteurs déjà connus grâce à d'autres topos, on consultera avec intérêt les pages consacrées aux deux grandes faces des Perrons : le Grand Perron et la pointe Vouilloz, où se développent des voies de plus de 300 m, devenues nombreuses et souvent de haute difficulté. Certaines ont été ouvertes par Jon de Montjoye, le spécialiste du secteur de Barberine, qui a édité son propre topo de cet endroit limitrophe des Aiguilles Rouges. D'autres sont signées d'actifs ouvreurs originaires de la Vallée, comme on l'avait appris dans le topo édité par Godefroy Perroux au début des années 2000.
Vingt ans après
L'aiguille de Praz-Torrent, pour sa part, a été sillonnée de lignes inédites, que ce soit au voisinage de la classique voie Seigneur ou dans le pilier compact situé à sa droite. Michel Piola y a complété à 20 ans d'intervalle les deux premières longueurs de Super Jacques (1986-2006), ajoutant trois grandes longueurs de près de 50 m, dans le même ordre de difficulté (entre 6a et 6b).
Enfin, le topo aborde les secteurs proches du barrage d'Emosson, avec les aiguilles du Van et de la Veudale, cette dernière étant qualifiée de “Chézerys suisses” pour ses voies en dalles. En dessous du barrage, les itinéraires courts du Passet sont également abondamment décrits.
De la lecture en perspective pour les amateurs, qu'ils envisagent ou pas d'aller “lire les prises” sur le terrain d'ailleurs. Pour ma part, j'éprouve toujours autant d'intérêt à consulter les “partitions” des musiciens de l'escalade que sont ces généreux ouvreurs de voies nouvelles…
Il ne nous reste plus qu'à réclamer à cor et à cri le futur opus de Michel Piola ! Mais laissons lui le temps de reprendre son souffle après ce récent labeur de près de 200 pages !