Aux éditions AO, nous fréquentons assidûment le bureau de Poste pour expédier les livres dont nous avons reçu commande. En 2015, des changements majeurs sont intervenus. Croquis d'ambiance.
Quand on entre dans le bureau de Poste, souvent bondé, c'est l'atmosphère studieuse qui surprend. Installés devant les “automates”, les usagers travaillent dur. Qu'ils soient jeunes ou âgés, fringants ou handicapés, diplômés ou illettrés, ils tapotent courageusement sur les claviers virtuels pour saisir, caractère par caractère, les adresses (expéditeur et destinataire) de leurs recommandés. Une dame âgée se cramponne de la main droite sur sa canne tout en cherchant fébrilement de la gauche la touche nécessaire sur le clavier alphabétique. Un homme concentré saisit les informations des chèques qu'il remet à l'encaissement. Une jeune femme fait des photocopies par-dessus la poussette qui abrite son bébé.
Ci-dessus : l'espace de travail des usagers, répondant au sigle avant-gardiste d'ESC (Espace Service Clients).
Sur son site, la Poste précise ceci : “Le but est de rendre les clients autonomes sur des tâches simples, à valeur ajoutée faible, même si bien sûr nous n’obligeons jamais les clients à utiliser les automates s’ils ne le souhaitent pas”. Le rapprochement du back et du front office, la simplification des processus contribuent également à un meilleur fonctionnement du réseau.”
Avec une mine satisfaite, les employés surveillent ces élèves appliqués. Si un de ces élèves se tourne vers eux, ils ont un bref instant de panique, vite maîtrisé une fois l'imprudent renvoyé devant son écran (“Appuyez sur la touche verte”). Tandis que vous saisissez patiemment les données de votre envoi à affranchir, ils jettent un coup d'œil au-dessus de votre épaule puis passent à votre voisin.
Travailler plus… pour payer plus. Depuis trois ans, les tarifs postaux augmentent de plus de 10% en moyenne, tous produits confondus. Nous le constatons aux éditions AO, où ceux-ci sont, obligatoirement, renseignés dans la comptabilité. La spectaculaire réduction du travail des employés de la Poste est en lien direct avec l'augmentation tout aussi spectaculaire de celui… des usagers.
On aimerait que la petite table équipée de chaises soit affectée aux personnes âgées ou handicapées afin qu'elle soient aidées par un employé pour affranchir leur courrier. On rêverait que ces autres usagers, à qui il faut dix secondes en moyenne pour trouver un caractère sur le clavier virtuel de l'écran des automates, soient déchargés de ce pensum. On préférerait que, lorsqu'on se présente avec une boîte jaune Colissimo prépayées afin de la faire enregistrer, on nous accueille avec le sourire au lieu de nous dire, l'air sourcilleux : “Avez-vous payé cette boîte ?” (ou l'avez-vous volée ?). On regrette que, quand on déplore les augmentations déguisées des tarifs, on nous réponde : “C'est normal, monsieur, tout augmente, c'est ainsi !”. Tout augmente, certes, à commencer par le “temps passé” à remplacer les employés de la Poste. Une autre réponse nous fâche : si vous voulez gagner du temps, nous dit-on, eh bien faites vos affranchissements sur Internet. Achetez des planches autocollantes spéciales, imprimez vos timbres avec votre encre, collez-les et postez vos plis dans une boîte.
Peut-être un jour nous proposera-t-on de prendre notre voiture et d'aller livrer nous-mêmes les colis aux destinataires…