La quatrième de couverture ne proclame-t-elle pas en effet :
“Certains diront qu'il n'y a pas de recette infaillible pour écrire un livre à succès. En fait, si.”
Ha, ha ! On l'aura vite deviné, c'est bien sûr un livre humoristique, une “charge au bazooka” comme l'a relevé un journaliste des Inrocks. Cependant, l'auteur, dont c'était le premier roman, semble avoir pas mal cartonné aux USA, au point que les droits lui auraient été achetés par le scénariste de Tim Burton. Excusez du peu…
Le personnage principal, Pete Tarslaw, est un ex-étudiant en lettres qui vivote en exerçant ses talents dans une officine de réécriture aux méthodes peu avouables. Il en a marre d'habiter avec son coloc et de voir tous ces best-sellers dans les classements des meilleures ventes. Il décide d'en écrire un, Cendres dans la tornade. Les cas qu'il étudie sont fictifs, les connaisseurs apprécieront. Nous n'avons pour notre part reconnu qu'une sorte de Marie Higgins Clark (en plus jeune), que le jeune homme parvient à attirer dans sa chambre d'hôtel après une séance de dédicaces… Mais Tarslaw en est persuadé : en examinant avec soin tous les ingrédients, il deviendra célèbre, autant que ce Preston Brooks, sorte de vieux romancier à la fois régionaliste et vaguement new-age. Loufoquerie et pastiches abondent, on rit jaune tant le trait est souvent forcé.
Tarslaw va parvenir à ses fins… et à quel prix !
Américain jusqu'au bout des ongles, le roman aura exigé de la traductrice des connaissances pointues du contexte – qu'elle possède, en témoignent les nombreuses notes de bas de page qu'elle nous offre avec pertinence, car tout le monde ne sait pas que Aqua Teen Hunger Force est une série animée dont les personnages sont des articles de fast-food (ce doit être appétissant !).
Une transcription avec des exemples du contexte français serait bien plus savoureuse. Dommage que l'éditeur n'y ait pas songé…
Un clin d'œil à propos des éditeurs
Voici ce qu'indique l'une des employées de l'éditeur du jeune Pete (page 144) :Écoute, tu réalises un peu le nombre de manuscrits que l'on reçoit ? Des milliers ! Des dizaines de milliers ! Des piles et des piles ! Il y a des gens qui n'ont pas de bureau, ils ont seulement des piles. Et il y a des gens dont le boulot consiste à jeter les manuscrits à la poubelle. Des poubelles énormes !Autre clin d'œil, à la traductrice cette fois
Héloïse Esquié, page 96 de l'édition de poche, a été confrontée comme nombre d'entre vous (je suppose) à la conjugaison au passé simple du verbe “extraire”. Voici la phrase au présent :
Riggs ouvre son attaché-case et en extrait un mince dossier.Qu'en faire au passé simple ? [Vous pouvez réfléchir quelques instants]
Eh oui : ce fichu verbe est “défectif”. Horripilant ! Nous remercierons donc Héloïse qui, avec audace, tente de faire progresser l'usage en écrivant :
Riggs ouvrit son attaché-case et en extraya un mince dossier.Eh ben quoi ? C'est pas plus moche qu'autre chose, après tout. Ah, bien sûr, on aurait pu aussi écrire “extrayit”, mais ce n'était guère plus logique (la proximité du I et du Y). Quant à “extrayut”, ce serait carrément bizarre…
Conclusion
Et alors, obtient-on au final la recette pour devenir un écrivain célèbre ?La réponse est… oui, chers internautes !
Comment fait-on ? Vous ne croyez pas que je vais vous révéler ce que j'ai appris en plusieurs lectures attentives de l'œuvre de Steve Hely, ce serait trop facile. Car il faut lire entre les lignes, renifler les ingrédients dans le second degré, prendre des notes, aller sur le terrain (aux States) pour vérifier les indications. Ça m'a coûté bonbon et il va bien falloir que je me refasse en éditant un best-seller, comprenez-vous… Alors je me suis mis au travail sur l'une des piles de manuscrits qui me servent de bureau.