Les éditions AO publient en ce début décembre “De Fils en Aiguilles”, de Jean-Claude Charlet, sous-titré “Parole de guide”. Le livre rassemble une sélection de quelque vingt textes de l'auteur, guide de haute montagne à la Compagnie de Chamonix.
Au fil des pages se tisse une vision de ce métier hors du commun, en une “ascension” progressive vers de plus en plus d'émotion et d'intimité. Outre une dizaine de discours prononcés chaque année à l'occasion de la Fête des Guides – révisés en vue de cette publication –, Jean-Claude Charlet a extrait de ses carnets de courses des portraits de clients et des anecdotes qui illustrent sa conception humaniste du métier de guide. En finale, deux récits d'expériences majeures, au caractère proprement initiatique, vont encore plus loin dans cette franchise revendiquée. Enfin, pour illustrer la problématique de la filiation, qui traverse ce livre, l'auteur a accepté que soit publiée pour la première fois la liste exhaustive des 100 ascensions de l'aiguille Verte réussies par son père, Armand Charlet (1900-1975), le plus grand guide de sa génération et “professeur-maître” à l'école d'alpinisme de Chamonix de 1945 à 1964.
Comment les éditions AO ont-elles été amenées à éditer De Fils en Aiguilles ?
Ce n'est probablement pas un hasard si les circonstances de la rencontre avec l'auteur ont toujours été placées sous le signe de la filiation, des relations pères-fils.
Une petite Verte en forme d'hommage
En 2007, ma compagne et moi souhaitions retourner gravir la petite aiguille Verte. L'un des éléments déclencheurs de ce souhait était que mon père, Henri, avait réalisé là sa dernière course en montagne en 1986, peu avant sa disparition. Quasiment vingt ans après, c'était une occasion de lui rendre hommage. Nous remettant au hasard, nous avions déposé une demande au bureau d'Argentière de la Compagnie des guides de Chamonix. Jean-Claude, le guide qui nous avait été attribué par le “tour de rôle”, nous avait alors demandé s'il pouvait encorder avec nous son fils Christophe, à qui il voulait offrir une descente en surf depuis l'arête sommitale de l'aiguille. Nous étions toujours dans le thème de la filiation ! Et nous avions appris, chemin faisant, que Jean-Claude Charlet était aussi le fils d'Armand Charlet, en observant ensemble le versant Nant-Blanc de l'aiguille Verte.
Cette ascension est relatée sur un autre blog, à cette adresse.
Une voie doublement “historique” aux Grands Montets
Trois ans plus tard, nouvelle référence paternelle. Je souhaitais suivre les traces de mon père, qui avait réalisé à l'aiguille des Grands Montets sa toute première course en haute montagne en 1955. Cette voie normale, oubliée pour cause de remontées mécaniques, exigeait de recourir à un connaisseur du secteur. Sur les conseils de “Clo”, gardienne du refuge de Lognan, j'avais fait appel à Zian, qui se révéla être son fils et… celui de Jean-Claude Charlet. Le 12 septembre, nous avions gravi cette voie normale “historique”, le jour même de la date de l'anniversaire de mon père…
Cette ascension est également relatée dans le blog précité, à cette adresse.
Les éditions AO avaient édité fin 2009 un petit récit d'alpinisme, Des Dômes et des hommes, dans lequel l'auteur, Benoît Rousseau, relatait une longue course en Vanoise sous la conduite d'un guide. J'en avais donc offert un exemplaire à Jean-Claude Charlet, le sujet étant de nature à l'intéresser, tout comme je le ferai un peu plus tard avec Sacré mont Blanc !, de Marc Lemonnier.
Quelque temps plus tard, Jean-Claude Charlet repensa aux éditions AO alors qu'il avait décidé de s'engager dans la remise en forme des textes qu'il avait rédigés depuis de nombreuses années à propos de son métier et de ses expériences les plus marquantes. Un sujet passionnant pour un “éditeur-monchu” ! C'est alors que commença un travail de révision, de sélection et de “montage” afin de constituer un recueil à la fois attrayant, rythmé et conforme à la démarche souhaitée par l'auteur. Une progression “en cordée”, au fil des pages…
Ainsi naquit De Fils en Aiguilles, dont le titre détourne l'expression bien connue pour en faire une image combinant la filiation et l'alpinisme, les “aiguilles” étant le type de sommet le plus fréquemment rencontré dans le massif du Mont-Blanc. De surcroît, le rôle majeur joué par le couloir “Couturier” à l'aiguille Verte dans le livre ajoutait un second jeu de mots implicite…
C'est donc avec beaucoup d'émotion et de fierté que les éditions AO publient ces jours-ci cet ouvrage. En tant que client de guide – “monchu” en patois savoyard – je trouve là une occasion de rendre hommage aux guides, au premier rang desquels Gilbert et Fernand Pareau, avec qui j'ai eu la chance de réaliser nombre de belles courses dans le massif du Mont-Blanc.
Jean-Luc Tafforeau, décembre 2013